Club Medico-chirurgical au CH Taroudant

Responsabilité pénale du chirurgien: receuil de litérature

                          RESPENSABILITE DU CHIRURGIEN


    L'obligation qui pèse sur le chirurgien est une obligation de moyens et non de résultats. Pour être mise en cause, la responsabilité du chirurgien exige une faute, un dommage et un lien de causalité entre les deux. Ce qui compte pour les tribunaux, c'est que cette faute soit certaine.

 

    Le défaut d'information

 

   En dehors des cas d’urgence, tout médecin a le devoir, avant une intervention, d'obtenir le consentement de son patient, et de lui fournir les renseignements indispensables sur l’acte chirurgical qu'il compte entreprendre. Le consentement ne peut être donné que par le patient lui-même, ou par ses représentants légaux. Quant à l’information, elle ne peut jamais être ni exhaustive et le médecin n'est tenu d'informer son patient que des seuls risques normalement prévisibles.

 

  Le défaut d'information du malade avant une opération peut constituer une faute civile, mais non une faute pénale et la charge de faire la preuve de l'absence d'information incombe au plaignant.

  La jurisprudence se montre formelle sur ce point, et si cette preuve n'est pas apportée, le plaignant ne pourra obtenir réparation.

  Le chirurgien est aussi tenu à une obligation d'information sur les complications survenues pendant et après l'opération. Le chirurgien qui volontairement s'abstient de signaler au patient ou à son médecin traitant le fait qu'il a laissé en place un corps étranger metallique (aiguille brisée), voit sa responsabilité retenue par les tribunaux.

 

   La faute de prudence

 

  C'est l'inattention de celui qui intervient sur unmembre sain à la place du membre malade. C'est la négligence du chirurgien qui n'a pas veillé à l'installation correcte de son opéré sur la table et à son maintien dans une bonne position pendant l'opération car une position vicieuse peut entraîner une compression nerveuse et la paralysie d’un membre.

 

   L'erreur de diagnostic

 

   L'erreur de diagnostic ne constitue pas en elle-même, une faute professionnelle. Elle le devient lorsque tous les moyens nécessaires à l'établissement d'un diagnostic correct, n'ont pas été mis en oeuvre. Par exemple l'absence de radiographies devant une pathologie évocatrice d'une fracture, constitue une faute.

 

  Les fautes d’humanisme

 

Cette faute ne revêt pas de caractère technique particulier : il s’agit au premier chef de s'assurer du consentement éclairé du patient à l'acte médical proposé.

On sait depuis longtemps que l'information ne doit pas être quelconque mais « simple, intelligible et loyale». Le médecin a, envers son patient, un véritable devoir de sincérité. 

La notion de risque a toujours particulièrement retenu l’attention des juges et il était généralement admis par le passé que seuls les risques habituels, graves, ou normalement prévisibles devaient être exposés au patient.

 

En revanche, les risques exceptionnels (inférieurs à 1%) n’avaient pas, à priori, à être annoncés, on estimé que les risques qui surviennent même exceptionnellement doivent être signalés, dès lors qu’ils sont graves. La ligne de démarcation n'était donc plus entre les risques courants et les risques exceptionnels, mais entre les risques graves et les risques moins graves.

 « les risques graves doivent être annoncés dès lors qu’ils sont connus, et que la charge de la preuve de cette information incombe à l’établissement public ».

 

En tout état de cause, il ne faut pas se méprendre sur la portée de ce formalisme : il ne constitue qu'un moyen de preuve et en aucun cas ce que les anglo-saxons qualifient «décharge de responsabilité».

 

   Les fautes liées à l'acte chirurgical

 

On distinguera les fautes techniques du chirurgien et la responsabilité du fait des choses :

 

  1. Les fautes techniques sont classiquement décomposées dans 4 phases

 

        - l’étape du diagnostic :

 

   Le principe est que l'erreur de diagnostic en tant que telle n'est pas forcément fautive, sauf si elle est grossière et inadmissible, par contre, l'insuffisance de moyens mis en oeuvre pour poser le diagnostic constitue une faute.

 

      - l’étape de l’indication thérapeutique :

 

   La règle maîtresse consiste à respecter le rapport risques/bénéfices.

 

     - l’étape thérapeutique :

 

     On distingue :

 

• les fautes de précaution qui résultent du non respect de :

 

    · l'état du malade : son état antérieur, ses médications,

    · l'absence de contre-indication,

    · la préparation à l'acte thérapeutique.

 

• les fautes techniques qui résultent :

 

    · d’une méconnaissance grossière synonyme d'ignorance,

    · d’une maladresse responsable de graves lésions,

    · une négligence comme un oubli de compresse,

    · une erreur d'estimation des risques qui se développent au cours de l'acte,

    · un retard dans la prise décision.

 

   - l’étape de surveillance clinique, biologique ou radiologique.

  La faute n'a pas à être qualifiée de lourde ou grave toutefois la faute ne se présume pas.

 

 

 

  2. La responsabilité du fait des choses utilisées

 

   On est responsable des choses dont on a la garde.

   Avant 1936, on estimait qu'un chirurgien était responsable du bistouri qu'il tenait dans la main. Dès lors, tout dommage causé par l'instrument signifiait que l'homme de l'art avait commis une faute. Après 1936, la relation entre médecin et patient a été décrite comme un contrat de soin, au terme duquel le patient avait l'obligation de démontrer une faute pour engager la responsabilité du médecin.

Puis est apparue l'obligation de sécurité-résultat qui imposait au patient de démontrer le rôle propre de la chose dans l'accident.

 

   Les fautes de précautions

 

   Avant toute intervention, le chirurgien doit s'assurer de l'état du malade et

de l'absence de contre-indications anesthésiques. Il doit prescrire les examens biologiques nécessaires, s'assurer de la vacuité gastrique et ordonner éventuellement une prévention antitétanique. Même si ces précautions pré-opératoires engagent aussi la responsabilité de l'anesthésiste, le chirurgien, coordinateur de l'équipe, doit s'assurer que les examens ont été pratiqués et il est supposé en prendre connaissance.

 

  Le chirurgien et l'anesthésiste

 

L'évolution de la jurisprudence a consacré l'indépendance de

l'anesthésiste-réanimateur par rapport au chirurgien et la responsabilité personnelle des actes qui relèvent de chaque compétence. Néanmoins, des arrêts récents font état d'une subordination de l'anesthésiste au chirurgien pendant l'opération , en particulier quand il n'y a pas eu de contrat passé entre le réanimateur et le patient.

Dans les suites opératoires chez une malade opérée d’hystérectomie, une infection cutanée se déclare au niveau de l'avant-bras droit qui avait été perfusé par

l'anesthésiste. Le tribunal retint la responsabilité du chirurgien car "La malade s'est

adressée et s’en est remise à lui pour décider tout ce qui concerne les modalités de

l'intervention et le rôle de l'anesthésie".

 

La responsabilité dans l'anesthésie locale

 

L'anesthésie locale exposant à des risques, certains arrêts rendus en matière de chirurgie esthétique, ont estimé que l'absence de l'anesthésiste-réanimateur constitue une faute. En pratique, il serait aberrant de recourir à un anesthésiste pour toutes les anesthésies locales, mais son absence pourrait être considérée comme une faute en cas d'anesthésie locale de longue durée.

 

 

   La responsabilité en cas de remplacement

 

   Losqu'un chirurgien a conclu avec un patient un contrat de soins, il doit réaliser lui-même l'acte chirurgical. Le libre choix du malade n'est pas respecté quand au lieu d'opérer lui-même, le chirurgien fait opérer à sa place un assistant. Le chirurgien est contractuellement responsable de tout confrère qu'il introduit dans l'exécution de l'actechirurgical.

 

La responsabilité concernant le personnel infirmier

 

   Les aides opératoires choisis par le chirurgien, travaillent sous son contrôle. Il est cependant indispensable de différencier qui, de la clinique ou du chirurgien, est le commettant du personnel infirmier. Ce personnel est sous la subordination juridique de la clinique et est embauché par elle, mais au cours de l'acte chirurgical, c'est le chirurgien qui a autorité sur le personnel infirmier et qui est responsable des instructions qu’il lui donne.

 

Il est à préciser cependant que les soins hospitaliers courants donnés par le personnel infirmier, avant et après l’opération, sont sous la responsabilité de la clinique. Cependant, l’étude de la jurisprudence récente montre qu’habituellement, c’est la responsabilité personnelle du chirurgien qui est mise en cause soit du fait d’un manque de qualification du personnel, soit du fait d’un défaut de surveillance.

 

La responsabilité concernant le matériel

 

    Au bloc opératoire, un certain nombre d'accidents peuvent survenir du fait surtout de l'utilisation d'appareils électriques et en premier lieu du bistouri électrique.

L'établissement de soins est responsable de l'entretien du matériel et peut d'ailleurs se retourner contre le fabricant pour vice de fabrication. Le chirurgien est responsable de l'emploi qu'il fait du matériel. C'est habituellement l'expertise qui déterminera le partage des responsabilités

 

La faute technique

 

    Le chirurgien seul décide de la technique opératoire et les tribunaux sont conscients de la part d'aléas inhérente à tout acte chirurgical. Ce sont la maladresse et la négligence qui sont fautives. L'oubli d'un corps étranger n'est pas fautive lorsque les recherches entreprises doivent être suspendues en raison de risques hémorragiques, mais lorsque l'oubli a entraîné une péritonite, la condamnation du praticien peut être prononcée si le rôle du corps étranger est évident dans la survenue de l'infection.

 

La maladresse peut engager aussi la responsabilité du chirurgien. Si lors d'une cure d'hernie inguinoscrotale, il perfore l'artère fémorale parcequ'il n'a pas écarté les éléments vasculaires, il peut être condamné. Mais lors des blessures d'éléments vasculo-nerveux, les juges prennent en considération ls trajets anatomiques anormaux. Le chirurgien qui sectionne un filet nerveux ou perfore une artère dont le trajet représente une anomalie rare, se voit exonéré de toute responsabilité.

 

 

 

La faute post-opératoire

 

  La responsabilité du chirurgien se poursuit après l'acte opératoire. Il est tenu à la réalisation des soins post-opératoires et à la surveillance des suites opératoires.

Au cas où l'état clinique d'un opéré s'aggraverait dans les suites opératoires, le chirurgien pourrait être poursuivi même s'il résulte de l'enquête que le personnel paramédical ne l'a pas averti.

   En pratique, le chirurgien doit exercer une surveillance postopératoire minutieuse et il doit s'assurer que ses instructions ont été suivies. En principe, les soins postopératoires de routine (réchauffement, prévention d'une chute du lit) relèvent du service hospitalier ou de la clinique, mais certaines décisions judiciaires ont retenu la responsabilité du chirurgien dans des actes tels que les brûlures par bouillotte. Le chirurgien doit rendre visite à son opéré entre l'opération et sa sortie du service. La sortie prématurée d'un chirurgien peut constituer une faute médicale grave assimilable à un défaut de surveillance.

 

 La présomption de faute en matière d’infection nosocomiale

 

 Le principe de la présomption d'un défaut d’asepsie révélatrice d’une « faute dans l’organisation ou le fonctionnement du service à qui il incombe de fournir au personnel médical un matériel et des produits stériles, alors même qu’aucune faute lourde médicale, notamment en matière d’asepsie, ne peut être reprochée aux praticiens ».

Toutefois, cette présomption était réfragable : on peut la détruire en prouvant la mise en oeuvre de tous les moyens de stérilisation et asepsie pour éviter une infection, auquel cas il n'y avait pas de faute. En  estimait que la seule cause d'exonération était la cause ou la

faute étrangère …

 

     Les incursions vers « les fautes virtuelles »

 

    Il y eu en outre quelques tentatives de présumer de la responsabilité en l’absence de faute. Ce fut notamment le cas de la section d'une artère poplitée au cour d'une ligamentopla stie . Mais la Cour Suprême revint fort heureusement sur cette initiative fort critiquée par la doctrine en rejetant la notion d'aléa thérapeutique. 

    

 

  Responsabilité pénale du chirurgien

 

    La responsabilité du chirurgien peut être engagée en vertu des articles concernant l’abstention fautive, ou l’homicide et les blessures involontaires. En raison de l'identité des fautes civile et pénale d'imprudence tout ce qui constitue une faute civile constitue aussi une faute pénale, lorsqu'il en résulte pour la victime les dommages particuliers (homicide, maladie ou incapacité totale de travail).

 

Donc, toutes les fautes décrites dans le chapitre sur la responsabilité civile du chirurgien, peuvent engager la responsabilité pénale, à l'exception du défaut d'information du malade. L'identité des fautes pénale et civile, jointe au principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ne permet pas au juge civil de retenir la responsabilité civile qui permet l'allocation de dommages et intérêts lorsque le juge pénal n'a pas retenu la faute. Or l'étude de la jurisprudence démontre que les condamnations prononcées par les

 

  Les fautes redoutées des praticiens sont les homicides et les blessures par imprudence.

Au pénal, l'appréciation de la faute est très stricte : la faute doit être en rapport de causalité certain avec le dommage et le doute profite toujours à l'accusé ; il n'existe pas de perte de chance en qualification pénale. Le législateur  a introduit une nouvelle incrimination pour "mise en danger d’autrui", consistant en un manquement à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement.

Cette infraction est soit une circonstance aggravante, soit une infraction autonome et elle a souvent été appliquée au domaine médical.

Par la suite, une loi  a atténué la responsabilité en prévoyant la disparition de la faute

"si l’auteur des faits (a) accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait".

Ceci signifiait en pratique que les dossiers d'expertise devaient être analysés in concreto en pesant tous les paramètres réels de l'affaire.

Mais la jurisprudence usa de motivations "passe partout" du genre "attendu que le prévenu n’avait pas accompli les diligences lui incombent..." pour condamner les médecins … 

La loi  a renforcé cette nécessité d’appréciation in concreto en exigeant désormais pour

les auteurs indirects :

    - soit une violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement,

   - soit une faute caractérisée qui exposait autrui à un risque que l'agent ne pouvait ignorer.

Elle a en outre posé le principe de l'abandon de l'identité entre les fautes civiles et pénales.



05/04/2011
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